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La méthode Wagner, au service des ambitions russes en Afrique

C’est l’histoire d’une erreur stratégique commise par des autorités françaises. Pensant bien faire, à une époque où le président de la République, Emmanuel Macron, ambitionnait de nouer une relation de confiance avec Vladimir Poutine, elles ont involontairement ouvert les portes de l’Afrique francophone à l’ours russe. Le 25 septembre 2017, le président français reçoit à l’Elysée son homologue centrafricain, Faustin-Archange Touadéra. Pour l’aider à équiper son armée, qui peine à contrôler son territoire hors de Bangui, il propose de lui fournir 1 500 kalachnikovs saisies par la marine française, au large de la Somalie, en mars 2016. Il lui doit bien ça. Un an plus tôt, contre l’avis des Centrafricains, qui ne cachaient pas leur inquiétude face à l’instabilité causée par les groupes armés, son prédécesseur, François Hollande, a mis fin unilatéralement à l’opération « Sangaris », lancée fin 2013.
La Centrafrique étant soumise à un embargo des Nations unies pour les livraisons d’armes, une telle opération nécessite l’aval du Conseil de sécurité des Nations unies. Il faut donc en convaincre les membres permanents, à commencer par la Russie. Emmanuel Macron conseille alors à M. Touadéra de plaider sa cause auprès de Moscou. Quelques semaines plus tard, le 9 octobre 2017, ce dernier est reçu par le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, à Sotchi, sur les bords de la mer Noire. Pas question pour lui de laisser passer une telle occasion. Les Français lui amènent un potentiel nouvel allié africain, il ne va plus le lâcher.
Ancienne colonie française, Etat déliquescent, crise sécuritaire profonde, ressources minières potentiellement prolifiques… La République centrafricaine est une cible de choix pour étendre l’influence russe en Afrique. M. Lavrov donne donc à M. Touadéra bien plus qu’un simple accord pour la livraison de 1 500 kalachnikovs. Il lui propose un partenariat conclu dans la durée, fait de livraisons d’armes, de coopération militaire et d’exploitations minières. Le président centrafricain, désireux de consolider son pouvoir fragile, y voit une aubaine. L’affaire est vite conclue. « On se regardait tous un peu le nombril sans prêter attention à ce que les Russes préparaient », reconnaît rétrospectivement un ancien diplomate de la direction Afrique du Quai d’Orsay.
Fin janvier 2018, un Iliouchine-76 de l’armée de l’air russe se pose sur le tarmac de l’aéroport de Bangui. A bord, des armes et du matériel militaire. D’autres livraisons similaires suivent. Celles-ci sont bientôt accompagnées de dizaines de mercenaires du groupe paramilitaire Wagner, dont Moscou ne reconnaît pas l’existence. Officiellement, les hommes débarqués sont des « instructeurs », comme aux plus belles heures de la guerre froide.
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